L’histoire du sucre

Pardemo

L’histoire du sucre

L’histoire de la canne à sucre dans l’Empire Romain

Canne à sucreGrande herbe tropicale, la canne à sucre est originaire de la Nouvelle-Guinée et des îles avoisinantes, dans l’Océan Pacifique. C’est sur ses îles qu’elle a été cultivée pour la première fois, 1 000 avant J.C. Christ, avant d’atteindre l’Inde puis la Chine. Ce sont les Indiens qui les premiers inventent des techniques pour extraire le sucre de la canne. A cette nouvelle substance, ils donnent le nom de « sarkara ».

Au VIe siècle avant Jésus Christ, au cours d’une expédition dans la vallée de l’Indus, les Perses du roi Darius le Grand font la découverte du « roseau qui produit du miel, sans le concours des abeilles ». Ils en rapportent en Occident. Si quelques échanges commerciaux s’amorcent, la culture de la canne ne franchit pas encore les frontières de l’Inde.

Après les Perses, ce sont les Grecs et les Romains qui s’approprient le sucre. Une découverte qu’ils doivent en partie à un homme, Mégasthénès. Historien et géographe grec né vers 340 av. J. C., il passe 10 années en Inde, notamment comme ambassadeur à la cour du roi indien Chandragupta Maurya.

L’usage que Grecs et Romains font du sucre est essentiellement thérapeutique. Médecin et botaniste grec, Dioscoride (40 ap. J.C. – 90 ap. J.C.) indique qu’il « existe une espèce de miel concret appelé sucre. Il ressemble au sel par sa consistance et craque sous la dent ». Il recommande l’eau de sucre pour soigner ou purger les reins, l’estomac, les intestins et la vessie.

 

L’histoire de la canne à sucre dans le monde Arabe

Pendant l’Antiquité, la culture de la canne reste limitée géographiquement. Entre le IVe et le VIIe siècle, elle s’effectue essentiellement dans le delta de l’Indus et le Golfe Persique.

Pendant cette période, les Perses ne cessent d’améliorer les techniques de culture et de transformation. C’est probablement là que sont inventés les pains de sucre, plus aisément transportables. Dès le VIIe siècle, la conquête arabe va ouvrir de nouveaux horizons, le sucre part alors à la conquête du monde.

Il avait fallu une quinzaine de siècles pour que la canne franchisse l’Inde et s’implante en Iran. Il en faudra moins de deux pour qu’elle se répande durablement dans tout le bassin méditerranéen. Les Arabes font sa connaissance en Perse et l’adoptent immédiatement.

 

Dès lors, la culture de la canne se répand au fil de l’expansion musulmane : la Palestine, puis, au VIIIe siècle, la Syrie et l’Egypte où les plantations se multiplient le long du Nil. Au IXe siècle elle commence à être cultivée dans le royaume arabo-andalou du sud de l’Espagne. Elle s’installe aussi dans les îles : Chypre, Crète, Malte et la Sicile.

Si la canne profite des espaces conquis par les Arabes, elle bénéficie aussi de leur savoir-faire. Ils développent les techniques culturales comme l’irrigation et, en bons ingénieurs, ils perfectionnent les techniques d’extraction et de transformation. Côté « gastronomique », les cuisiniers inventent les premiers sirops et pâtisseries au sucre.

Les Croisades et la volonté des chrétiens d’Occident de reconquérir la Terre Sainte vont contribuer à diffuser plus largement encore la canne à sucre. Dès la première croisade (1096-1099), les pèlerins font la découverte du sucre, qu’ils rapportent dans leur pays. Certains deviennent à leur tour planteurs, notamment dans les îles de la Méditerranée reprises aux Arabes.

 

L’histoire de la canne à sucre en Europe

Le XVe siècle constitue un nouveau tournant dans l’histoire trois fois millénaire du sucre. Venise s’est progressivement octroyé le monopole commercial de cet or brun, et s’appuie sur Bruges et Anvers pour le diffuser vers l’Europe du Nord. La Cité des Doges est d’ailleurs à l’initiative de la construction de la première raffinerie.

 

L’insolente réussite de Venise fait des envieux. Parallèlement, les rendements sur les îles de la Méditerranée diminuent. La canne est une plante exigeante qui appauvrit très vite les sols. Il faut à la fois de nouvelles terres, et des capitaux importants pour financer la culture et la transformation du sucre. Les Génois, les Espagnols, les Portugais, les Flamands investissent…

Les Portugais seront les premiers à tirer profit de ce nouvel essor. Dès la moitié du XVe siècle, ils installent des plantations et des raffineries à Madère, un archipel situé dans l’océan Atlantique au large du Maroc. Des marchands de Flandres et d’Italie s’installent et assurent l’exportation du sucre vers La Rochelle, Rouen, Gênes, Venise, Bruges, l’Angleterre. Ils répètent l’expérience sur l’archipel de Sao Tomé-et-Principe, dans le Golfe de Guinée, au large du Gabon. Des premiers pas avant le grand saut vers les Amériques…

Excellents navigateurs, les Portugais sont animés par l’esprit des grandes découvertes. Si la quête d’or et d’épices des Conquistadors ne fut pas un succès, il en alla autrement avec la canne. Le sucre devint très vite le premier enjeu du commerce international. Avec son corollaire : le trafic d’esclaves.

À partir de Madère, les Portugais acheminent technologies et matériel au Brésil dès les premières années du XVIe siècle. Ils restent maîtres du jeu jusqu’en 1630. Puis ce sont les Anglais et les Français, aux Antilles, qui prennent le relais

Au début du XVIIe siècle, les Antilles françaises sont des colonies de peuplement. Les premières plantations de canne ne voient le jour qu’en 1643, après l’échec de la culture du tabac. Très vite, les sucreries se multiplient à la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Domingue.

En métropole ce sont les raffineries qui fleurissent sous l’impulsion de Colbert : à Bordeaux et Nantes, mais aussi Marseille, Rouen, La Rochelle. Elles travaillent d’abord le sucre brut des Canaries, de Madère, et du Brésil, puis développent leur activité grâce à l’expansion des cultures de canne dans les îles du Nouveau Monde.

Le Siècle des Lumières sera le siècle de la domination française. Le sucre devient l’élément majeur de l’économie et donc de la politique européenne. La maîtrise du commerce du sucre est un facteur non négligeable dans le déclenchement de certains conflits, notamment avec l’Angleterre. C’est le cas de la guerre de 7 ans (1756-1763), à l’issue de laquelle la France n’hésitera pas à renoncer au Canada au profit des Anglais plutôt que de perdre ses « isles à sucre ».Historiquement, le sucre était extrait de la canne à sucre, l’Europe recevait ses sucres des Antilles, mais le blocus continental (21/11/1806) institué par Napoléon qui ferme au commerce de l’Angleterre, tous les ports du continent, provoque très vite une pénurie de sucre. Plus rien n’arrive des Iles et il faut trouver très vite, une plante de substitution, la betterave sucrière est née.

 

L’histoire de la betterave à sucre

Betterave à sucreCe n’est qu’au XIXe que le sucre de betterave va connaître un réel essor. Pendant des siècles, il reste méconnu. Si dès 1600, l’agronome français, Olivier de Serres, remarque que la « bette-rave », arrivée d’Italie depuis peu, donne en cuisant un jus « semblable au sirop de sucre », il faut attendre 1747 pour qu’Andreas Sigismund Marggraf, chimiste berlinois, prouve que le sucre de betterave et le sucre de canne sont identiques. Élève de Marggraf, Franz Karl Achard produit en 1798 le premier sucre de betterave. La première usine est créée en Silésie avec le soutien financier de Frédéric-Guillaume III, mais ce n’est pas un franc succès. Achard a réussi l’essentiel de l’extraction. Sa seule erreur : croire que la teneur en sucre de la betterave augmente avec le temps de stockage, alors que c’est le contraire. Résultat : la qualité du produit n’est pas bonne et la rentabilité très insuffisante.

En 1810, l’intérêt pour la betterave revient en France sous l’impulsion de Chaptal, qui travaille dans la commission de l’Institut de France chargée de vérifier les expériences d’Achard. Cette commission informe Napoléon de l’intérêt que la France aurait à produire elle-même son sucre. En 1806, Napoléon promulgue le décret connu sous le nom de “ blocus continental ” : après sa victoire à Trafalgar, l’Angleterre détient la maîtrise des mers et du commerce mondial. Cette domination maritime empêche les marchandises françaises de sortir et d’entrer dans les ports. Le sucre des Antilles commence à faire cruellement défaut. Le blocus napoléonien a pour objectif d’empêcher l’entrée de toute marchandise anglaise sur le continent, de ruiner l’Angleterre et d’assurer à la France la place de première puissance économique européenne… Le blocus fut un échec pour la France. Mais une aubaine pour la betterave, qui apparut comme un moyen de remplacer la canne à sucre.

Convaincu de l’intérêt de la betterave dans la production du sucre, Napoléon incite les agriculteurs à pratiquer cette culture et les industriels à améliorer les procédés en leur octroyant des aides financières ou des régimes fiscaux privilégiés. Dès lors, la France se mobilise pour extraire du sucre à partir de la betterave. Les mesures impériales font vite effet. En 1812, Benjamin Delessert présente à l’Empereur des pains de sucre parfaitement réussis. Il est le premier à réussir l’extraction en grande quantité. Napoléon s’enthousiasme, le décore, délivre 500 licences de fabrication et ordonne la plantation de plusieurs milliers d’hectares de betterave sucrière. C’est parti pour la betterave… Les usines se multiplient et les avancées techniques entraînent une baisse rapide du prix de revient.

La fin de l’Empire permet le retour sur le continent du sucre de canne. Et met un temps en péril le développement de la betterave sucrière. Mais la récession ne va cependant pas durer. En 1828, la France compte 585 sucreries implantées dans 44 départements. Le gouvernement favorise la production via un régime fiscal très avantageux, mais cela n’est guère apprécié des producteurs des colonies. Leurs protestations contre ce régime de faveur conduisent le gouvernement à supprimer les exemptions fiscales en 1843. L’abolition de l’esclavage, au milieu du XIXe siècle, lui redonne un coup de pouce. Les sucreries se multiplient en Europe.

En 1900, le sucre de betterave représente 53 % de la production mondiale. La guerre de 14-18, en transformant les grandes plaines betteravières en champs de bataille, stoppe toute la production en France et en Belgique et le fait redescendre à 26 %. S’il remonte pour atteindre 40 % dans les années 50, il n’est que de 30 % en 1995.

Qu’il soit de canne ou de betterave, tout au long de ses trois mille ans d’histoire tumultueuse, le sucre a été le symbole de bien-être et de plaisir. Aucun aliment ne peut se targuer d’autant de convoitises, d’aventures, de créativité pour offrir aux petits et aux grands leurs plus beaux rêves gourmands.

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